Un saut dans le temps de trente ans – une paille – et nous voilà tous revenus au début des années 1990, période étrange où deux écoles de la virilité se disputent l’imaginaire des adolescents à coups de « 4 × 3 » et d’écrans publicitaires.
D’un côté, on trouve les spots Levi’s, que Christian « Badoumba » Blachas et toute l’équipe de l’émission de M6 « Culture pub » nous apprendront à trouver géniaux. Des publicités tournées vers l’Amérique des pompistes dégoulinants de sueur, grouillant de « Marlon Brando de fête foraine » et de « GI de quai de gare », caleçon blanc de rigueur sous 501 taille bien haute.
À cet imaginaire fifties du mauvais gentil et du bon méchant s’oppose celui du sale mec et futur douchebag (insulte argotique made in USA), avec Mark Wahlberg en chef de file d’une masculinité de champion, fier de ses tablettes de chocolat, de son boxer siglé Calvin Klein et de son contenu qu’il défend comme sa patrie et palpe avec amour devant l’objectif d’Herb Ritts.
Sous-vêtement de chic type
Le boxer apparent et les muscles constituent un look hip-hop qui vient de la rue, des gangs et des stars du gangsta rap, à l’exemple de Tupac Shakur (alias 2Pac). Son origine est multiple, une sorte de carambolage entre les proportions déjà bien baggy des costumes portés dans les années 1940 par les adeptes de la sous-culture zoot, le streetwear originel (tatouages et vêtements amples pour dissimuler des armes), et, enfin, il sert aussi de signe de reconnaissance entre ex-taulards et sympathisants du crime. En effet, c’est en prison que, privé de ceinture, on perd plus facilement son pantalon, laissant ainsi ses sous-vêtements au vu et au su de tous.
Au cours du XXIe siècle, ces deux mondes rock et gang vont fusionner, les stars du rap ou de la variété internationale, comme Travis Scott ou Justin Bieber, jusqu’en France avec Booba, mariant pectoraux, abdos, tatouages, boxer siglé et ben taille basse tout serré façon Ramones. Ou comment la dégaine cradingue des habitués du CBGB, ce club mythique de New York à l’esprit avant-gardiste, entra en collision avec celle des stakhanovistes du CMG (Club Med Gym).
Tout cela a évidemment cours dans le métavers de la jeunesse et de la célébrité. Dans un monde aux habitudes vestimentaires plus sages, plus contrôlées, on regarde tout cela avec distance et envie. Trop difficile à caser, le boxer et son élastique apparent sont délaissés au profit du caleçon blanc, bleu layette ou fantaisie tout mignon, sous-vêtement du chic type qu’on laisse dépasser de son pantalon, les jours de détente. Par ce geste sensuel, l’homme d’aujourd’hui prend place en deuxième couronne d’une communauté de mecs solides, machines de guerre autoproclamées, dont les imaginaires sont élimés.
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Le caleçon tiré vers le haut