EnquêteLes parents d’élèves des prestigieux Henri-IV et Louis-le-Grand, à Paris, contestent la volonté du gouvernement de mettre fin au processus d’admission sur dossier. Pour beaucoup, l’intégration de ces établissements au logiciel commun des lycées de la capitale signe la fin des filières publiques d’excellence.
Un soir, il y a quelques semaines, Raphaël* est rentré chez lui un peu ennuyé. Elève de 3e au collège Henri-IV, excellent élément – options latin et grec, russe première langue –, il a tenté de résumer à sa mère ce qu’il avait compris du nouveau processus d’admission au lycée Henri-IV : « J’ai autant de chances que le dernier de ma classe. » La mère de Raphaël, qui tient à l’anonymat « pour ne pas embarrasser [son] fils », a pris l’explication avec beaucoup de philosophie.
Instruite par l’expérience de l’aînée de la fratrie, orientée vers un lycée professionnel après une scolarité chaotique dans le même collège et qui s’épanouit aujourd’hui loin du Panthéon, elle a rassuré son cadet : « Ecoute, tu es dans le top de ta classe. Même si tu n’es pas pris à Henri-IV à cause de la réforme, tu auras un très bon lycée. Tout va bien. »
Terminé, le regard humain sur les bulletins
Tout va bien ? Non, madame, le ciel n’est pas serein au-dessus de la tête de nos bambins, lui auraient répondu des voisins du quartier si elle avait partagé avec eux un café au Comptoir du Panthéon. Ils lui auraient dit leur certitude que le rectorat, « sous couvert d’accentuer la mixité sociale », entend en réalité « casser la seule filière d’excellence du service public » et « pousser les parents vers le privé ». Si elle avait rejoint leur boucle WhatsApp, elle aurait entendu leur colère depuis qu’ils ont découvert, en janvier, que le gouvernement souhaitait mettre fin à l’intégration sur dossier pour les élèves parisiens dans les lycées Henri-IV et Louis-le-Grand – H4 et LLG, abrègent les initiés.
Terminé le regard humain sur les bulletins, l’appréciation d’un professeur qui fait la différence entre deux élèves brillants, la possibilité d’être ultraperformant en maths et en lettres mais moyen en gym ou carrément mauvais en arts plastiques. Bienvenue dans l’univers de M. Tout-le-Monde, où c’est la machine qui choisit. Bienvenue sur Affelnet (affectation des élèves par le Net), qui permet de répartir les élèves de 3e dans les lycées de leur académie (au nombre de 45 à Paris) par un système de score – l’important n’étant plus seulement d’être excellent mais de cumuler le nombre de points nécessaires.
Sur la montagne Sainte-Geneviève, de nombreux parents ont commencé les comptes, jonglant entre les barèmes de notation, les bonus géographiques et le fameux indice de position sociale (IPS), qui accorde des points supplémentaires aux collégiens des quartiers défavorisés de l’Est parisien (chaque collège a un IPS donné). Et ces parents-là assurent qu’ils ne s’y retrouvent pas.
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Sur la montagne Sainte-Geneviève, les révoltés d’Affelnet